Un peu d’histoire… 

L'origine de la marqueterie remonte à 300 ans avant JC. 
Son principe décoratif s'est manifesté d'abord sous forme d'incrustation, puis sous forme de placage, faisant appel à des techniques de découpe et de juxtaposition.  
La marqueterie connut aux 15ème et 16ème siècles un nouvel essor grâce aux essences rares que rapportaient les navigateurs de leurs voyages lointains et au perfectionnement de l’outillage.  
Mais c'est au 18ème siècle qu'elle atteignit son apogée, ébénistes et ornementistes travaillant en étroite collaboration à des mélanges d'essences précieuses toujours plus variées.  

Parlons technique
 
 
Cette présentation s'effectue en deux étapes, la première vous permet de vous familiariser avec quelques généralités de la marqueterie, la seconde vous présente les différentes étapes 
permettant de réaliser un tableau de marqueterie « élément par élément ». 
I - Généralités  
On appelle marqueterie, un décor réalisé en juxtaposant des placages préalablement découpés.
Les matériaux les plus divers sont utilisés :  
  • le bois dans ses multiples essences  
  • les métaux : cuivre, laiton, étain, argent  
  • les matériaux d'origine animale : écaille de tortue, corne, ivoire, os, nacre, galuchat (peau de poisson)  
  • la pierre et le marbre  
  • la paille 
Les outils  
Dans l'artisanat, la découpe à la scie est la plus répandue, on utilise comme outils, soit :  
  • le bocfil (petite scie en U)  
  • le chevalet de marqueteur  
  • la scie mécanique à mouvement alternatif 
Dans l'industrie, la découpe au laser se développe. 
Les techniques 
La découpe à la scie se fait suivant différentes méthodes, en fonction des matériaux et du motif :  
  • la découpe dite « élément par élément», chaque pièce est découpée séparément (façon puzzle)  
  • la découpe en superposition ou technique "Boulle", le décor et le fond sont découpés simultanément avec deux placages contrastés, on obtient deux marqueteries, un négatif et un positif  
  • l'incrustation, des cavités sont creusées dans le fond massif ou plaqué pour recevoir les éléments découpés du décor  
  • le sciage conique, découpe en superposition en inclinant la lame  
Le placage 
Le placage est fabriqué suivant deux procédés :  
        - Placage scié : technique traditionnelle 
On obtient un feuillet de 10 à 15/10ème de millimètres d'épaisseur. 
Ce procédé est coûteux mais donne les plus beaux placages surtout dans les bois durs.  
        - Placage tranché : technique moderne développée fin XIX siècle  
On obtient un copeau de 4 à 10/10ème de millimètres d'épaisseur. 
Ce placage est plus facile à travailler mais a perdu un peu de sa coloration à cause de l'étuvage qu'il a subi avant d'être tranché. De plus, le passage du couteau fissure le placage dans son épaisseur, ce qui lui fait perdre de sa profondeur. 
 
Le placage est utilisé dans sa couleur naturelle, allant du blanc au noir en passant par toutes les variantes du jaune et du rouge. 
Il peut également être teinté, les couleurs froides et les couleurs saturées sont obtenues par trempage du placage dans les bains de colorant avant la découpe.  
II - Réalisation d'un panneau de marqueterie  
Dans la technique "élément par élément", le travail se décompose en plusieurs étapes :  
  1. le dessin  
  2. le choix des matériaux  
  3. la préparation des paquets  
  4. le découpage  
  5. l'ombrage  
  6. le montage  
  7. la plaque  
  8. la finition

1 - Le dessin 
Dans un premier temps, l'étude du graphisme et du modelé est faite au crayon, puis on réalise une gouache pour préciser la composition colorée. 
Le tracé du motif est affiné et redessiné à l'encre pour obtenir un trait le plus fin possible. Plusieurs reproductions faites par photocopies ou par piquages (perforation du tracé) seront nécessaires afin de prélever chaque élément du dessin en vue de la découpe.  
 
2 - Le choix des matériaux 
Le choix des différents bois et autres matériaux est primordial. La qualité de la marqueterie repose essentiellement sur l'emploi judicieux de la richesse esthétique des bois dans toutes leurs diversités. 
On choisira un bois d'après sa couleur, son veinage, son grain, sa profondeur, sa luminosité. Les matériaux sont bruts et il faut imaginer l'aspect qu'ils prendront une fois vernis. 
Un même bois aura un aspect tout à fait différent s'il est débité sur quartier, sur dosse, en bois de bout ou en saucisson, dans une loupe ou dans une ronce. 
L'utilisation d'autres matériaux donnera de forts contrastes, soit par la matière, soit par la couleur.  
 
3 - La préparation des paquets  
La technique "élément par élément" permet de découper plusieurs épaisseurs en même temps, de 2 à 6 avec du placage scié, jusqu'à 12 avec du placage tranché. 
Un paquet est constitué de placages de mêmes essences superposées et est maintenu par rivetage, renforcé en dessous par une contre-plaque . Puis on vient coller le dessin de chaque pièce à découper sur le paquet.  
4 - La découpe  
La découpe en plusieurs épaisseurs est faite, soit au chevalet, soit à la scie mécanique. Toutes les pièces de placage une fois découpées sont placées dans une tablette dans la position du motif. 
Si plusieurs pièces se ressemblent, elles seront numérotées au préalable sur le dessin. 
La précision dans la découpe est indispensable, l’épaisseur du trait, éliminé sur chaque pièce, va constituer le jeu de montage, d’où l’importance d’un trait fin. 
  • si les pièces sont trop "grasses", la marqueterie ne pourra pas se monter.  
  • si elles sont trop "maigres", il y aura un joint inesthétique entre les morceaux.  
5 - L'ombrage  
Pour donner du relief au motif, on peut ombrer certaines pièces. 
Pour ce faire, on chauffe du sable fin dans un récipient à 250-300° C et on trempe les morceaux de placage pour obtenir un brunit dégradé. Il faut doser suivant l'épaisseur et la dureté du placage pour prétendre à un bon résultat. 
La gravure au burin est également utilisée pour donner du modelé, dans ce cas, le graveur travaille juste avant le vernissage.  
 
6 - Le montage 
L'assemblage des différentes pièces s'apparente au montage d'un puzzle. 
Les morceaux ne sont pas collés directement sur un panneau, mais sur un papier kraft qui est tendu sur une cale. Le montage se fait à l'envers, c'est à dire la face de la marqueterie sur le papier kraft. 
On peut éventuellement retoucher certaines pièces à la lime aiguille ou au scalpel, mais il est nettement préférable d'avoir une bonne découpe. 
Quand tous les morceaux sont montés, la marqueterie est prête à être collée.  
 
7 - La plaque 
La plaque consiste à coller la marqueterie sur un panneau de contre-plaqué ou de latté. Le papier ayant servi à maintenir provisoirement la marqueterie est mis en surface et est supprimé après séchage du collage fait sous presse.
 
8 - La finition 
La première étape a pour but de préparer la surface du placage à recevoir un produit de finition. D'abord, on égalise la surface au racloir si les placages sont de différentes épaisseurs, puis on ponce à la cale au papier de verre en finissant avec un grain très fin jusqu'à obtention d'un beau poli. 
La deuxième étape consiste à boucher les pores du bois afin d'obtenir un glaçage de la surface. Cela se fait, soit avec un bouche-pores pour les finitions modernes, soit par un remplissage à la ponce pour la cire ou le vernis au tampon. 
Le remplissage à la poudre de pierre ponce a le double avantage de boucher les pores du bois et de parfaire le polissage. 
On applique alors un produit de finition, soit :  
  • une cire 
  • un vernis à la gomme-laque au tampon 
  • un vernis moderne 
La cire donne un aspect un peu satiné tout en réchauffant le ton du bois, mais cette finition est fragile. 
Le vernis au tampon est un procédé traditionnel, long et délicat à exécuter. 
La gomme-laque donne une transparence un peu chaude qui révèle la luminosité des bois. C’est une résine naturelle plus ou moins colorée que l'on étale par couches infimes à l'aide d'un tampon de tissu. 
Les vernis cellulosiques, glycérophtaliques ou polyuréthannes donnent un aspect plastique, quelquefois proche du vernis de carrossier.  
 
Précautions 
Le bois est un matériau hygroscopique, il réagira à l'humidité de l'air. Il est donc déconseillé d'accrocher une marqueterie près d'une source de chaleur. Une humidité relative constante et proche de 50% est idéale.  
Il faut également veiller à ce que les rayons du soleil ou de la lune ne viennent pas frapper directement le panneau sous peine de voir les placages se décolorer rapidement. 
Chaque marqueteur, suivant sa formation et ses affinités, travaille de façons différentes, permettant à cette discipline d'évoluer et de présenter une diversité souvent méconnue dans la réalisation de meubles ou de tableaux marquetés. 
Pour plus d'informations, consulter les livres de Pierre RAMOND, ancien professeur de marqueterie à l'école Boulle à Paris.  

Philippe GUERIN  
Meilleur Ouvrier de France 1994